3 QUESTIONS A LOÏC FAUCHON (Matinale (Re)sources « L’accès universel à l’eau et à l’énergie : un enjeu clé de l’agenda post 2015 »)

Les objectifs du Développement durable qui succèderont en 2015 aux objectifs du Millénaire seront-ils suffisamment ambitieux et réalistes ?

Dans quelles conditions rendre possible un accès universel à l’eau et à l’énergie dans les pays en développement face aux menaces telles que l’urbanisation, la démographie et le climat ?

Pourquoi l’accès universel à l’eau et à l’énergie est-il un enjeu clé de l’agenda post 2015 ?

L’eau et l’énergie sont aujourd’hui deux ressources interdépendantes. L’eau est nécessaire à la production d’énergie, tout comme l’énergie est nécessaire à l’eau. L’une comme l’autre sont indispensables au développement humain, économique, et social, et ce sont les mêmes pauvres qui sont privés d’accès à l’eau potable et à l’électricité.

L’eau et l’énergie font également l’objet d’une demande croissante. Parce que la population planétaire continuera à augmenter, et avec elle la production de biens agricoles et industriels. Parce que l’accroissement des pollutions et l’évolution du climat vont créer des pénuries et des tensions grandissantes.

Ce n’est donc plus seulement le « temps de l’eau facile qui est révolu », mais aussi celui de l’énergie. Deux directions d’action sont possibles :agir sur l’offre, influer sur la demande. Il ne faut d’ailleurs pas tomber dans le piège qui consiste à les opposer, car les deux approches sont complémentaires. Depuis un siècle, les gouvernements, les autorités politiques et économiques s’emploient à accroître l’offre à travers de nouvelles infrastructures, des équipements plus nombreux, afin d’améliorer l’accès à l’eau et à l’électricité pour toutes sortes d’usages. Parallèlement, une approche commune de régulation de la demande s’impose pour l’eau et l’énergie afin d’aboutir dans le futur à une utilisation plus économe et plus efficiente.

L’avenir de notre planète dépendra donc pour une bonne part de la manière dont nous déciderons d’utiliser, mais aussi de préserver ces deux ressources. Nous avons désormais l’obligation de ne plus segmenter les politiques mais de créer une synergie entre l’eau et l’énergie, en réfléchissant à l’élaboration de politiques parfois communes, mais toujours regardées avec ce qu’elles nécessitent de réciprocité.

C’est pourquoi la prise en compte de ces deux enjeux est essentielle pour l’agenda post 2015.

Pouvez-vous nous faire un peu de prospective ?

Si l’on se place dans la perspective des grandes décisions politiques de l’année 2015, avec l’adoption des Objectifs de Développement Durable, un accord de langage sur les concepts est indispensable.

Prenons garde, à promouvoir dans un certain nombre d’enceintes internationales l’idée d’un nexus « eau-alimentation-énergie », sans prendre la peine de s’interroger sur sa signification et ses limites.

Bien entendu, nous avons besoin d’eau et d’énergie pour produire la nourriture d’un nombre toujours plus important de citoyens de ce monde. Mais à quoi servirait d’abreuver les terres et de nourrir les femmes et les hommes si c’est pour les laisser mourir ensuite de maladies hydriques qui restent la première cause de mortalité dans le monde.

De surcroît, le « nexus » a une connotation très négative. Son étymologie latine renvoie à la relation d’asservissement entre un créancier et son débiteur. Ce n’est pas ce que nous souhaitons promouvoir à l’échelle internationale.
L’eau et l’énergie doivent faire cause commune. Ce sont des pré-requis pour satisfaire les besoins essentiels nécessaires à une vie décente : à savoir l’alimentation, la santé, et l’éducation. C’est en ce sens que je parlerais plutôt d’une « penta-alliance ».

Avez-vous des recommandations ou des vœux à formuler pour les divers acteurs qui travaillent ou qui vont se mettre au travail dans les dix-huit mois à venir ?

Si nous prenons l’agenda dans l’ordre chronologique, il y a tout d’abord le 7ème Forum Mondial de l’Eau qui se déroulera en Corée l’an prochain. Ce Forum sera l’occasion de porter les engagements et les solutions issus du Forum de Marseille, notamment dans le domaine de l’eau et de l’énergie.

Par ailleurs, à l’heure où les discussions ont cours pour finaliser l’agenda Post 2015, nous devons nous battre pour obtenir la sanctuarisation définitive de l’eau et de l’énergie au sein des Objectifs de Développement Durable qui viendront prendre le relais des Objectifs du Millénaire pour le Développement. C’est un enjeu qui exige de la communauté de l’eau et de l’énergie une mobilisation sans relâche. Enfin, la prise en compte des évolutions climatiques et l’avenir de l’énergie ne s’écriront pas sans celui de l’eau ni sans un partage des volontés puis des solutions au service d’actions communes « eau-énergie ». Le Conseil Mondial de l’Eau avait demandé avant Copenhague que l’on adjoigne l’eau au fameux paquet « énergie-climat ». Cela reste plus vrai que jamais dans la perspective de la COP 21 de Paris qui se tiendra l’an prochain. Pour nous, en charge de la communauté de l’eau, cela signifierait qu’un « Fonds » soit abondé de manière institutionnelle, notamment pour favoriser la production d’énergie spécialement dédiée à l’eau.

Matinale (Re)sources « L’accès universel à l’eau et à l’énergie : un enjeu clé de l’agenda post 2015 »

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