Conférence sur l’Objectif 6 de l’eau des ODD à l’ONU

Assemblée plénière lors de la Conférence de l’Eau à l’ONU.

 

 

Coup d’épée dans l’eau ou amorce d’un changement de cap ?

Alors que la Conférence sur l’eau du 22 au 24 mars commençait à New-York, l’ONU alertait sur le risque imminent d’une crise mondiale de l’eau douce, comme beaucoup d’acteurs de l’eau et d’études le disaient depuis des années. Si cette conférence est « historique », c’est qu’elle était la première depuis 46 ans, même si elle n’a prévu aucune déclaration politique malgré l’urgence !

Avant d’en faire un bilan plus complet, cherchons à en tirer à chaud des leçons et des perspectives.

C’est Sandra Métayer, coordinatrice de la Coalition Eau qui regroupe 30 associations et fondations qui déclare « Face à la crise de l’eau, les résultats de la Conférence des Nations-Unies ne sont pas à la hauteur » et d’ajouter « C’est la volonté politique qui manque » ! Pourtant l’urgence est bien là. C’est Jean Lapegue d’Action Contre la Faim qui dénonce « un manque chronique de financement » pour éviter les maladies hydriques comme le choléra, la dysenterie, la typhoïde qui sont des causes majeures de mortalité !  Coalition Eau, ACF et le Secours Islamique France avec Laura Le Floch qui ont mené ensemble une campagne « SOS des engagements, pas des abonnés absents » qui a eu un  impact médiatique en France juste avant la Conférence.

Intervention de Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique à la Conférence sur l’Eau.

Mais il y a également des signes positifs. Ainsi, la feuille de route eau ou « Wash road map » regroupant une trentaine d’organisations humanitaires, dont Solidarités International, a réuni pour son appel à l’action ou « Call to action » 175 signatures dont celles celle de la Suisse puis de la France, ce qui est une grande nouvelle pour la suite, tant nous pouvons espérer que d’autres Etats et organisations vont maintenant s’y associer.

A l’inverse, on ne peut que regretter dans l’agenda de la Conférence la très faible présence des crises humanitaires qui constituent pourtant les situations les plus graves entrainant une mortalité élevée en particulier chez les enfants. C’est tout le mérite de l’événement sur la lutte contre le choléra organisé par Kevin Goldberg et Baptiste Lecuyot avec Solidarités International et le GTFCC (Global Task Force on Cholera Control) avec la participation d’acteurs majeurs comme ACF, MSF, le Global Cluster Wash, la SDC, la Fondation Véolia ou encore l’Université John Hopkins.

Si la Conférence a généré 708 engagements volontaires d’Etats et organisations qui seront utiles, ceux-ci sont néanmoins « disparates, hétérogènes et non contraignants » comme le souligne Coalition Eau. Et maintenant direz-vous, cette conférence sera-t-elle finalement un coup d’épée dans l’eau ou l’amorce véritable d’un changement de cap ? Tout dépend de la suite immédiate en 2023 qui pourrait être enfin l’année tournant pour l’eau et l’assainissement. A mi-parcours des Objectifs de Développement Durables 2015 – 2030, c’est maintenant ou jamais tant nous avons pris de retard sur les engagements à l’égard de 2,2 milliards d’êtres humains qui n’ont pas accès qui n’ont pas accès à l’eau potable et 3,6 milliards à l’assainissement.

Le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, s’adresse à l’ouverture de la Conférence des Nations Unies sur l’eau, accompagné du roi des Pays-Bas Willem-Alexander et du Président du Tadjikistan, Emomali Rahmon.
Photo ONU/Rick Bajornas

Les obstacles sont à considérer comme le déclare Gérard Payen, vice-président du Partenariat Français pour l’Eau : « Les pays qui ont de grosses réserves d’eau douce, comme le Brésil, le Canada, la Russie, les Etats-Unis ou la Chine, peuvent se montrer méfiants quant au renforcement de la gouvernance de l’eau ». Il faut donc leur rappeler qu’une résolution des Nations-Unies l’ONU a fait de l’accès à l’eau un droit de l’homme en 2010 et que de l’eau pour ceux qui n’en ont pas assez, ce n’est pas moins d’eau pour eux et que quand les gens n’ont plus assez d’eau là où ils vivent, ils vont voir ailleurs et peut-être bien chez ceux qui en ont beaucoup ! La solidarité peut donc être une assurance mutuelle.

Les objectifs sont simples et clairs comme le propose le Partenariat Français pour l’Eau (PFE) avec la nomination d’un représentant spécial de l’eau des Nations-Unies, une réunion intergouvernementale régulière sur le suivi de l’Objectif 6 Eau, une multiplication par quatre des financements permettant une accélération des 20 objectifs mondiaux liés à l’eau, l’intégration du rôle central de l’eau et de l’assainissement dans l’ensemble des travaux de l’ONU.

Cette année, il ne nous reste que deux fenêtres d’opportunité à ne pas laisser passer. Il y a d’une part le Forum politique de haut-niveau sur le Développement Durable de l’ONU (FPHN) du 10 au 19 juillet, puis le Sommet mondial des ODD à New-York le 18 septembre qui pourrait être l’occasion d’adopter une résolution reprenant les objectifs cités plus haut.

C’est dire combien nous devons nous-mêmes changer de posture et mobiliser tous nos moyens pour obtenir cette résolution. Il nous reste encore quelques mois pour agir réussir.

Alain Boinet.

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