COÛT ABORDABLE : LE VÉRITABLE ENJEU DE L’EAU POTABLE

L’adoption  des Objectifs du Développement Durable (ODD) en septembre 2015 par les Nations Unies est une petite révolution pour les organisations travaillant pour l’accès à l’eau. Parmi les 17  thématiques de développement, l’ODD 6 est intégralement dédié à l’eau et l’assainissement, soit une reconnaissance à part entière de l’importance des enjeux de ce secteur. C’est une victoire : l’eau était la grande absente des Objectifs du Millénaire pour le Développement, qui ont guidé les actions internationales de 2000 à 2015. Et pourtant, qui peut encore  nier aujourd’hui l’impact de la gestion de l’eau sur la santé, l’éducation, l’environnement, les flux migratoires, les conflits, bref, l’essentiel des problématiques actuelles ?

Cette avancée considérable s’est accompagnée d’une autre victoire, dans un combat culturel loin d’être évident. « Assurer l’accès universel et équitable à l’eau potable, à un coût abordable » : la cible 6.1 grave ainsi dans le marbre le fait que l’eau de boisson peut être payante. Cette affirmation est récente sur la scène internationale : elle fait suite à des décennies de projets reposant sur le principe de gratuité, et s’est imposée face au constat d’échec de toutes les initiatives qui ne sont pas parvenues à garantir sur le long terme une eau potable de qualité.

Quiconque a travaillé sur l’accès à l’eau de boisson en connaît les enjeux énormes en termes de contrôle et de maintien de la qualité, et de distribution. Comment imaginer un suivi rigoureux et un contrôle suffisamment élevé pour garantir une eau potable saine, et d’autre part un service gratuit ? Si nous voulons franchir l’étape entre l’eau  et l’eau potable, les projets doivent s’appuyer sur un modèle organisationnel et économique leur permettant de créer un impact pérenne  sur la santé des populations.  

Que l’on ne s’y trompe pas : dans cette nouvelle définition du droit à l’eau, l’adjectif « abordable » reste le cœur de l’enjeu. A l’heure où l’Organisation Mondiale de la Santé annonce qu’1,8 milliard de personnes dans le monde boivent de l’eau contaminée par des matières fécales, que près de 800 millions de personnes n’ont pas accès à un point d’eau améliorée, et où nous ne sommes pas en mesure de chiffrer précisément l’ampleur du manque d’accès à l’eau potable, c’est en prenant en compte les populations les plus pauvres qu’il faut concevoir nos modèles de purification, de stockage et de distribution d’eau.

Nous sommes donc face à un défi de taille : apporter de l’eau potable saine sur le long terme à plusieurs milliards de personnes avec un modèle économique viable. L’optimisme peut être de mise au vu du foisonnement d’initiatives d’entrepreneuriat social à travers le monde. Les projets de micro-réseau en zones urbaines parviennent à toucher les communautés des bidonvilles souvent peu raccordées, et l’installation de kiosques à eau en zones péri-urbaines et rurales permet une gestion décentralisée de la purification et de la vente d’eau par un entrepreneur local. L’heure est maintenant au changement d’échelle pour enfin résoudre durablement la crise de l’eau.

Il est ainsi possible aujourd’hui de construire des modèles durables, efficaces, créateurs d’emplois, et rendant des biens de première nécessité accessibles pour les communautés pauvres. Alors, certes, l’eau est un bien public, disponible gratuitement dans la nature, et nul ne devrait en avoir la propriété. Mais face à l’ampleur de l’enjeu et aux millions de vies concernées, arrêtons l’utopie : l’eau de boisson ne peut être gratuite si l’on veut en assurer la qualité et la disponibilité pour tous sur le long terme.

Julien Ancèle, Directeur Général, 1001fontaines

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