Du Nil au Colorado : les barrages de la discorde

Ce sont d’immenses structures de béton qui s’élèvent au-dessus des plus grands fleuves de la planète. Nil, Mékong, Tigre, Colorado : y construire un barrage, c’est affirmer, pour certains pays, une position de dominance territoriale. Pour d’autres, c’est une question de vie ou de mort économique.

On l’appelle le barrage de la Renaissance. Sa construction, entreprise il y a 9 ans par l’Ethiopie sur le Nil, est sur le point de s’achever. Avec ses 155 mètres de hauteur et 74 milliards de mètres cubes d’eau, le barrage dotera bientôt le pays de la plus grande centrale hydro-électrique d’Afrique. Une véritable fierté nationale pour l’Éthiopie, qui compte sur cette nouvelle ressource pour accélérer le développement de son pays.

Espoir de tout un peuple, ce barrage est également source de vives tensions dans la région. Le Soudan et l’Egypte, situés en aval du fleuve, craignent de ne plus recevoir assez d’eau. C’est une question « de vie ou de mort » déclarait le général Al-Sissi, président égyptien, en 2017. « Aucune force ne pourrait nous empêcher de terminer ce barrage » répondait le Premier Ministre éthiopien en 2019.

Malgré un accord trouvé en 2015, le conflit entre les trois nations se partageant le fleuve s’est de nouveau envenimé au sujet du rythme de remplissage des cuves du barrage. Les négociations, entamées en juin dernier, sont au point mort. L’Égypte, particulièrement inquiète, appelle désormais le Conseil de Sécurité de l’ONU à se saisir de l’affaire.

Le Nil n’est pas le seul grand fleuve à cristalliser les conflits autour de ses eaux. Les pays en amont des grands fleuves, comme la Chine avec le Mékong, ou la Turquie, avec le Tigre et l’Euphrate, ont bien compris l’avantage de leur position et ne se privent pas de l’exploiter tant sur les plans économiques que géopolitiques.

Alors que les besoins en eau s’intensifient et que le réchauffement climatique risque de faire baisser les niveaux des cours d’eau, faut-il craindre que de véritables guerres éclatent dans les années à venir ?

Les accords de répartition – qui, du Nil au Colorado, permettaient jusqu’à présent de réguler l’exploitation des fleuves – suffiront-ils à garantir la paix le long des rives ?

Une discussion en compagnie de Franck Galland, chercheur associé à la Fondation pour la Recherche Stratégique (FRS).

En matière d’hydropouvoir, de pouvoir sur et à partir des ressources hydrauliques, qui tient l’amont a potentiellement un très fort pouvoir sur les territoires et les pays en aval. La Chine l’a très bien compris avec le Mékong, et avec les fleuves qui prennent leur source au Tibet – fleuves essentiels pour l’alimentation en Inde. Franck Galland

Source : France Culture

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