L’AGROÉCOLOGIE, LE SILLON VERS UN AVENIR DURABLE ?

Reconnue comme efficace et durable par les agronomes depuis des années, l’agroécologie a enfin sa place dans les débats mondiaux : en janvier 2021, elle a été au cœur des discussions du One Planet Summit. Mais est-elle vraiment une solution de grande échelle pour allier préservation de l’environnement, sécurité alimentaire et développement socioéconomique ?

Si les systèmes alimentaires et agricoles actuels produisent des volumes importants de denrées alimentaires sur les marchés mondiaux, ils ne s’inscrivent pas, pour la plupart, dans une logique de développement durable et ne bénéficient pas au plus grand nombre.   Le choix de l’agroécologie : vers un nouveau paradigme agricole En Amérique latine, les pressions exercées sur les terres agricoles existantes s’accentuent au détriment des populations indigènes, de la végétation des forêts et des savanes, mais aussi de la diversité biologique. Selon un rapport sur l’agroécologie de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) datant de 2018, « les systèmes agricoles à forte intensité d’intrants externes et qui mobilisent des ressources considérables ont contribué à la déforestation, à la pénurie en eau, à la perte de biodiversité, à l’appauvrissement des sols et aux niveaux élevés de gaz à effet de serre ». À cela s’ajoutent une situation socioéconomique inquiétante pour les paysans : liés aux multinationales de la pétrochimie puissantes et influentes auxquelles ils achètent en s’endettant semences et engrais, ils sont nombreux dans les pays du Nord comme du Sud à ne plus pouvoir se nourrir. En Inde, certains s’opposent à la politique agricole libérale du gouvernement de Narendra Modi dans l’espoir de mettre fin à la ratification de trois lois de libéralisation. Ces dernières visent en effet à diminuer l’autorité de l’État face aux géants de l’agroalimentaire, mettant en danger l’indépendance des agriculteurs.

Pour réconcilier l’agriculture et le climat, ONG, sociétés civiles et gouvernements cherchent à appliquer des solutions basées sur une approche intégrée, respectueuse des ressources naturelles et permettant d’améliorer les conditions de vie des paysans. À Cuba, l’agroécologie l’a emporté sur l’agriculture industrielle depuis les années 1960 – même si la crise alimentaire et les difficultés d’importation que connaît actuellement l’île donne lieu à un revirement depuis quelques mois. De l’autre côté du globe, dans l’Andra Pradesh, État du sud-est de l’Inde, près de six millions de paysans œuvrent pour une agriculture économe, sans engrais chimiques ni pesticides. Il s’agit du plus grand projet d’agroécologie au monde. D’autres initiatives reconnues au plus haut niveau mondial comme la coalition International Agroecological Movement for Africa (IAM Africa) ont pour but de développer l’agroécologie en Afrique en accord avec le plan de « la grande muraille verte » pour verdir le Sahel et lutter contre la désertification. Plus qu’un simple changement de paradigme agricole, l’agroécologie offre, toujours selon la FAO, « une approche unique pour répondre aux besoins des générations tout en garantissant que personne n’est laissé pour compte. » À une condition : que des engagements sérieux en faveur de ce nouveau système soient pris par la communauté internationale.   Nourrir la planète en faisant le pari de l’agroécologie ? Une chose est sûre pour les défenseurs d’une agriculture biologique et durable comme l’ONG CCFD Terre solidaire : pour passer à des systèmes d’alimentation et d’agriculture durables et nourrir la planète, il est essentiel de redonner aux agriculteurs et aux paysans toute leur importance. En cela, l’agriculture familiale, modèle social d’organisation de l’agriculture le plus répandu au monde, se démarque : 90 % des 570 millions d’exploitations agricoles du monde appartiennent à des familles et 80 % des exploitations en Afrique sont familiales. Les systèmes alimentaires et agricoles industriels participent à la dégradation de l’environnement, à la moindre diversification alimentaire, et à l’appauvrissement des paysans inondant les marchés de produits importés à moindre coût. À l’inverse, jusqu’à présent, ces agricultures familiales ont contribué significativement à alimenter les villes en produits vivriers de base (céréales et tubercules), comme en produits de diversification (légumes, lait, fruits et oléagineux). Mais les agricultures familiales et les principes agroécologiques pourront-ils réellement nourrir près de 10 milliards de personnes à l’horizon 2050  ? Comment moderniser et collecter des méthodes et des outils traditionnels du Sud pour opérer le passage à l’échelle des principes agroécologiques ? Inversement, qu’en sera-t-il des exploitations industrielles du Nord ? Pourra-t-on techniquement leur appliquer des transformations radicales pour intégrer les principes agroécologiques ? En 2014, l’ONG Oxfam prédisait que cette transition – si elle a lieu un jour – serait particulièrement difficile à mener pour les paysans. Passer de systèmes de production industrialisée à des systèmes agroécologiques, résilients et bas carbone prendra du temps, l’enjeu étant d’éviter une chute de productivité et des rendements, qui résulterait de l’abandon soudain d’intrants synthétiques. Malgré l’ampleur de ce défi, un constat s’impose : le temps de l’agriculture telle qu’on la connaît paraît compté.

Source : ideas4development

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