Afrique(s) contrastée(s) contre Covid-19

CONSTAT. Plus impactée économiquement que sanitairement, l’Afrique doit construire son intégration avec une représentativité politique sujette à caution.
Par Patrice Fonlladosa (ex-président Afrique de Medef International et président de (Re)sources).

On aurait tort de sous-estimer le dernier rapport de la Fondation Mo Ibrahim sur la gouvernance qui a été publié en décembre dernier et qui fait état du recul – une première édifiante ! – de la gouvernance en Afrique(s) pour la première fois depuis plus de dix ans. Cette alerte a toutes les raisons d’éveiller notre inquiétude. Et d’abord pour les Africains eux-mêmes. En contrepoint, les rendez-vous électoraux de 2020 dans une douzaine de pays du continent ont vu l’an dernier la reconduite de presque tous les chefs d’État pour de nouveaux mandats, avec parfois quelques contorsions constitutionnelles permettant de prolonger encore et encore la conduite du pouvoir par les mêmes. Au continent durablement le plus jeune du monde correspond une classe dirigeante la plus âgée de la planète : est-ce bien raisonnable ?

Le processus de représentativité questionné

En 2021 se sont tenues et vont se tenir de nouvelles échéances électorales dans des pays dont l’âge médian oscille entre 24 et 15 ans. (…) or certains de ceux qui se disputent les mandats ont largement plus 73 ans. La séniorité n’est pas une barrière car on ne peut pas faire un procès ridicule à l’âge. Pour autant, ce « grand écart » générationnel questionne profondément le processus démocratique et de représentativité. Et ce n’est pas anodin, car ce ne sera pas sans conséquence sur les prochains mandats, dans 4, 6 ou 7 ans pour peu que ceux en cours ou à venir à très court terme puissent aller sereinement à leur terme.

Un coup sanitaire et surtout un désastre économique

Pour l’heure, il n’y a pas vraiment de désastre sanitaire direct lié au Covid-19 en Afrique(s), où on dénombre moins de 96 241 morts depuis le début de la pandémie là où, au niveau mondial, on en compte 2 497 814 au 25 février 2021. Cela dit, on ressent fortement l’effet du ralentissement économique et plusieurs observateurs et institutions, dont l’OCDE, la Banque mondiale, l’AFD et autres, pointent le danger d’une très forte progression de la pauvreté. Là où déjà 40 % de la population vit sous la condition « d’extrême pauvreté », c’est-à-dire avec moins de 1,70 euro par jour, ce sont 40 pays qui sont entrés en récession dans les 14 derniers mois et près de 50 millions de personnes qui ont plongé. À titre d’exemple, il faut savoir que 90 % des Maliens vivent aujourd’hui avec moins de 2 euros par jour.

Un atout de taille : la zone de libre-échange continentale

Mais le continent se refuse au fatalisme et, après une hésitation légitime en juillet dernier, la mise en œuvre de la zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) a été rendue opérationnelle dès le 1er janvier 2021. C’est une excellente nouvelle qui concerne 55 pays et plus de 1,3 milliard de personnes. À l’instar de la Cedeao (Afrique de l’Ouest) qui a largement fait ses preuves, cette ouverture du marché intérieur peut faire de l’utilisation des nouvelles technologies digitales un atout pour un développement de(s) (l’)Afrique(s) qui n’aura rien à envier à ce qui se passe sur d’autres continents. Car rendre plus fluides et plus sûrs les échanges commerciaux, c’est accélérer l’émergence des entrepreneurs et stimuler un secteur privé pourvoyeur d’emplois productifs. Du renouveau démocratique aux espérances économiques, l’Afrique est en passe de se construire un avenir.

Source : Le Point Afrique

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