DÎNER DÉBAT « QUELLE STRATÉGIE POUR ACCÉLÉRER L’ÉLECTRIFICATION DE L’AFRIQUE ? » VALÉRIE LEVKOV ET RIMA LE COGUIC

29/06/2017 – Maison des Polytechniciens

Dîner débat avec Valérie Levkov, directrice Afrique Moyen Orient de EDF et Rima Le Coguic, directrice Transitions Énergétique et numérique de l’AFD sur les stratégies pour accélérer l’électrification de l’Afrique. Débat animé par Patrice Fonlladosa, président de (Re)sources

Introduction

Pour l’Afrique, le chemin à parcourir est encore long avant d’atteindre l’Objectif de Développement Durable n°7 d’un accès universel à des services énergétiques fiables, durables et modernes, à un coût abordable. L’urbanisation, la croissance démographique et la croissance économique ont pour effet d’augmenter la demande en énergie et le nombre des personnes n’y ayant pas accès. Les défis sont nombreux mais l’objectif d’une Afrique électrifiée n’est pas hors d’atteinte. Beaucoup de signaux sont favorables : des ressources naturelles abondantes, l’opportunité des énergies renouvelables pour concilier développement et adaptation au changement climatique, l’avènement de nouvelles technologies à fort impact social et sociétal, l’émergence d’acteurs économiques innovants, une jeunesse créative et volontaire pour une nouvelle Afrique, une polarisation médiatique sur le sujet de l’énergie…

Les points clés du débat (intégralité du débat en document joint)

  • Avoir une vision holistique du continent africain permet d’identifier ses ressources et ses consommations.
     
  • Une forme d’économie circulaire se développe dans de nombreux pays, qui permet l’accès à l’électricité et entraîne les petits agriculteurs locaux dans une dynamique d’amélioration de leur niveau de vie et de leur récolte.
     
  • Aujourd’hui, utiliser les systèmes de conces­sions similaires à ce qui s’est fait en Europe avec une extension des réseaux loin des centres urbains est contreproductif car cette action s’avère longue et coûteuse pour le consommateur final.
     
  • En s’adressant à l’ensemble des parties pre­nantes et en accompagnant les gouvernements dans leur réforme, les acteurs privés jouent un rôle clé dans le développement du continent.
     
  • Si les modèles s’avèrent parfois rentables, les subventions restent nécessaires du fait d’une capacité de paiement des africains qui n’est pas toujours à la hauteur du coût de la connexion ou du kit solaire. C’est pourquoi la priorité de l’AFD porte sur l’Afrique et y concentre environ 50% de ces financements.
     
  • Concernant le financement, les besoins sont tels que les bailleurs évoluent pour devenir des leviers ou des vecteurs de finan­cement qui viennent du secteur privé, des gouvernements locaux, des banques et des institutions financières locales.
     
  • Pour un accès pour tous à l’énergie, il faut clarifier le rôle de chaque acteur dans les différentes zones à travers un pro­gramme politique bien défini.
     
  • Les banques locales ne souhaitent pas prendre le risque de soutenir des opérateurs privés qui pratiquent des modèles isolés comme le Pay as you go ou qui construisent des mini réseaux isolés avec des financements publics et privés.
  • Si certains pays pratiquent des tarifs capables de couvrir le coût d’un réseau isolé, l’approche par tarif différencié n’est plus, depuis quelques années, acceptable socialement et politiquement
  • L’autoconsommation dont il est question en France s’imposera peut-être demain en Afrique comme le mode de consommation. 
  • L’AFD a annoncé 6 milliards d’euros sur l’Afrique continentale sur 5 ans (2016-2020) pour le financement de l’accès à l’énergie dont 3 milliards pour les énergies renouvelables.
  • L’AFD considère que si un investissement est rentable, le secteur privé doit alors s’en charger. Dans des montages d’investissement qui ne sont pas rentables, l’AFD peut envisager des montages en partenariat public-privé dans lequel le privé apporte une partie du financement et le public une complémentarité.

Contribution de ADP Villes en Développement

L’adoption par l’AFD du terme «transition» est déterminant, car le processus de peuplement et la rapidité de l’urbanisation en Afrique relèvent d’une approche par la transition. La dynamique économique, sociale et environnementale qui en résulte est l’essence même de cette transition. Nous n’avons jamais connu un tel processus qui va faire du seul Nigeria un pays aussi peuplé que l’Europe communautaire dans les prochaines décennies, et Lagos une agglomération de plus de 20 millions d’habitants. La seule référence comparable mais différente à bien des égards est le peuplement du continent américain qui a constitué la plus grande et rapide transition connue jusqu’alors.

Il ne s’agit donc pas de développer des stratégies de rattrapage, sur des modèles inadaptés, mais plutôt de changer radicalement de paradigme. C’est une révolution copernicienne. Dans ce cadre, La satisfaction de la plupart des besoins des habitants se fera sur leurs moyens propres et par l’accès à des produits adaptés, de plus en plus autonomes pour leur alimentation énergétique. C’est d’ailleurs ce qui fait que les villes se construisent et fonctionnent malgré tout en Afrique.

Comme le dit très justement l’association WIEGO, dans un article récent de la Ford Foundation, c’est l’informel qui devient la normalité au Sud. Dans les villes comme dans l’espace rural, qui constituent dans beaucoup de pays du sud et en Afrique en particulier, un continuum peu différencié, la production et l’extension de l’accès à l’énergie formelle, devrait se concentrer sur les activités économiques structurantes, les services collectifs (santé, éducation, commerce) et sur l’accès aux services de base collectifs (éclairage des espaces publics et alimentation des réseaux d’eau potable, par exemple). La réflexion sur des kiosques multi services autonomes pourrait être développée massivement avec l’appui des opérateurs téléphoniques et des fournisseurs d’énergie et d’eau. En résumé, pour passer à l’échelle, développer des offres multi services collectives autonomes plutôt que de subventionner des dispositifs individuels/familiaux.

Pendant toute cette transition dont on estime qu’elle va durer au moins trente années, il faut donc organiser cette dualité, sachant que l’intégration sera très progressive et sans doute hybride, à l’instar de nos systèmes d’alimentation en eau qui a Paris par exemple mixent des ressources et des systèmes de stockage hérités d’une longue histoire urbaine. Cette idée de mixité des réseaux d’énergie est sans doute à creuser, et des systèmes complexes de production distribution sont d’ores et déjà développés.

Sur les progrès technologiques enfin, ils doivent être articulés avec un cadre légal adapté et des pratiques sociales compatibles. Ce sont effectivement les femmes qui sont déterminantes pour l’évolution des pratiques énergétiques et si il y a un accent mis sur l’offre collective, c’est à travers leur acceptabilité et donc la co construction des solutions que des avancées seront possibles.

Lire l’intégralité du débat

Partager cet article

Copier le lien de l'article

Copier