Les enfants et la crise climatique : on ne joue plus

Un enfant dans une zone affectée par la sécheresse, dans la banlieue sud de Tegucigalpa, au Honduras le 22 avril 2016. (Photo par ORLANDO SIERRA / AFP)

Publié à l’occasion du troisième anniversaire de la première grève scolaire pour le climat lancée par Greta Thunberg, un rapport de l’UNICEF assure que plus d’un milliard d’enfants sont « très fortement exposés » aux impacts de la crise climatique. Une situation qui met en péril leur santé et leurs droits, et à laquelle il convient même d’ajouter d’autres types d’expositions, d’ordre psychologique et politique.

Publié le 20 août dernier, le rapport de l’UNICEF intitulé La crise climatique est une crise des droits de l’enfant constitue la première analyse détaillée sur le sujet à travers le prisme de la jeunesse. L’idée que le réchauffement climatique – par son accélération dans le temps et ses retombées à court, moyen et long terme – concerne en premier lieu les enfants et leur avenir, n’est certes pas nouvelle. Le GIEC annonçait récemment que « le pire est à venir » pour les enfants nés en 2021. Mais ce rapport de l’UNICEF étaye cette intuition collective par des données concrètes.

Les enfants des pays en développement en première ligne

Réalisée conjointement avec le mouvement international Fridays for Future, l’étude établit que quasiment la moitié des 2,2 milliards d’enfants dans le monde vit dans 33 pays classés « à très haut risque ». Cette surreprésentation n’est pas une surprise : les moins de 15 ans représentent en effet presque la moitié de la population des pays les plus pauvres qui sont aussi les plus menacés. On sait aussi que 99 % des décès attribués aux changements climatiques surviennent dans les pays en développement et que 80 % concernent des enfants.

Comme le suggère le titre du rapport, ce sont bien les droits des enfants qui sont en danger. Le réchauffement climatique menace évidemment la santé des enfants, mais aussi leur éducation, leur nutrition, leur protection sociale et leur sécurité. Un milliard d’enfants sont fortement exposés à la pollution atmosphérique, 920 millions aux pénuries d’eau et 820 millions aux canicules. La quasi-totalité des enfants à travers le monde sont exposés à au moins un type d’aléa lié au climat et à l’environnement, mais pour ceux des pays les plus touchés, à nouveau, les chocs sont multiples. Une concomitance qui met à mal les progrès en matière de développement et accentue encore les privations dont sont victimes les enfants.

Les enfants sous le poids psychologique de la crise climatique

Face à ces constats alarmants, deux des cinq recommandations majeures de l’UNICEF pour mieux protéger les générations à venir invitent à éduquer les enfants à l’écocitoyenneté et à les associer à toutes les négociations sur le climat. Changer les mentalités à la racine semble effectivement une idée de bon sens et impliquer les premiers concernés sera plus efficace.

Pourtant, de telles préconisations interrogent sur les éventuelles répercussions psychologiques que peuvent avoir ces préoccupations concernant l’avenir sur nos enfants. L’éco-anxiété des jeunes est sans doute l’un des impacts les plus répandus, et pourtant les plus méconnus, du réchauffement climatique. Comment se construire, se projeter et rêver sa vie lorsque le spectre d’une apocalypse annoncée flotte de manière omniprésente sur son futur ?

Cette réalité a même poussé de plus en plus de couples à faire un choix radical : celui de ne pas avoir d’enfants face à un horizon aussi sombre et pesant. Pourtant, il est possible de parler du changement climatique aux enfants sans les accabler et de cultiver leur enthousiasme pour l’action sans les désespérer devant l’ampleur de la tâche à accomplir.

Le grand bouleversement : les enfants montrent la voie aux adultes

Qui sait si les centaines de milliers de jeunes qui se mobilisent déjà pour l’action climatique ont été sensibilisés « en douceur » ou s’ils ont naturellement saisi ce qui est en jeu ? Le résultat est là : les enfants et les adolescents nés dans les années 2000 ont commencé à répondre présents plus tôt que les générations qui les précèdent. Ils semblent puiser dans leur éco-anxiété un courage inédit, jusqu’à frapper l’imagination et faire de certains d’entre eux des symboles.

Ce n’est pas un hasard si ce rapport de l’UNICEF sur les enfants et le réchauffement climatique a été publié à l’occasion du troisième anniversaire de la grève scolaire pour le climat initiée par la militante Greta Thunberg en 2018. La jeune suédoise de 15 ans avait sonné le réveil des consciences par son engagement et une maturité qui ne semblait pas de son âge.

Elle n’est d’ailleurs pas le seul visage de cette génération mobilisée : Farzana Faruk Jhumu (Bangladesh), Eric Njuguna (Kenya) ou encore Adriana Calderón (Mexique) ont connu un parcours similaire, allant à la rencontre de scientifiques et prenant la parole lors de nombreux événements internationaux pour exhorter les adultes et les puissants à écouter la science et à agir plus, plus vite. Tous représentants du mouvement Fridays for the Future, le message qu’ils livrent dans l’un des avant-propos du rapport est clair : « Les mouvements de jeunes militants pour le climat continueront de se mobiliser, de prospérer et de se battre pour ce qui est juste, car nous n’avons pas le choix ». Et de conclure : « Nous devons regarder la situation en face, reconnaître, gérer les changements climatiques comme une véritable crise, et prendre de toute urgence les mesures qui s’imposent afin de léguer une planète habitable aux jeunes générations ».

Patrice Fonlladosa, Président du think tank (Re)sources, ancien président Afrique du Medef International.

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