Sécheresse : « Vous avez aimé l’année 2022, vous risquez d’adorer 2023 », prévient un spécialiste des ressources en eau

La rivière la Drôme a Livron-sur-Drôme, le 7 mars 2023. (FABRICE HEBRARD / MAXPPP)

Après la sécheresse de 2022, la France est touchée en 2023 par une sécheresse hivernale. Dans certains départements, des préfets ont dû prendre des arrêtés visant à restreindre les usages de l’eau.

« Vous avez aimé l’année 2022, vous risquez d’adorer ce printemps et cet été 2023 », a prévenu mercredi 22 mars sur franceinfo Franck Galland, spécialiste des enjeux de sécurité liés à l’eau alors que la France est d’ores et déjà touchée par une sécheresse précoce et que l’ensemble des nappes affichent des niveaux sous les normales. Selon le chercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique, « il faudrait qu’il pleuve énormément » dans les jours qui viennent pour rattraper ce retard, mais « ça n’en prend pas tout à fait le chemin ».

franceinfo : La situation est-elle si grave que ça aujourd’hui ?

Franck Galland : L’année 2022 aura montré un caractère à la fois exceptionnel de sécheresse, la pire depuis 1959. Rappelons que la mission interministérielle sécheresse 2022 qui a rendu ses conclusions il y a moins de trois semaines, a compté 1 052 communes qui ont manqué d’eau. Ce sont des communes de moins de 5 000 habitants et il y en a plus d’un millier qui ne sont pas passées loin de la correctionnelle.

Le 1er août 2022, il y avait 1 260 cours d’eau qui étaient à sec, avec des incidences très fortes sur les rendements agricoles qu’on estime à -15% jusqu’à -30%. Là, nous démarrons l’année 2023 en situation d’extrême stress hydrique avec un hiver extrêmement sec et des nappes phréatiques qui ont deux mois de retard en matière de recharge. Vous avez aimé l’année 2022, vous risquez d’adorer ce printemps et cet été 2023.

Ce retard est-il impossible à rattraper ?

Il faudrait qu’il pleuve énormément sur ce mois de mars, ça n’en prend pas tout à fait le chemin. À partir d’avril et de mai, il y a également une nature qui sort des sols qui va capter l’eau des pluies. Il faut savoir qu’en moyenne, il pleuvait 960 mm par an en France lors d’une année normale. Quand il pleut seulement 100 mm, vous avez uniquement 36% de pluviométrie utile. Une pluviométrie très forte en avril et mai est captée par cette nature et n’a pas le temps de descendre dans les nappes.

Y a-t-il une déperdition de l’eau de pluie toujours trop forte aujourd’hui ?

Toutes les initiatives sont bonnes à prendre. Il nous faut aussi des retenues. En Espagne, qui est un pays qui connaît la semi aridité depuis quarante ans, et qui a donc eu le temps de s’y habituer, il y a une capacité de retenues pluviométriques. 50% des pluies sont retenues en Espagne, c’est seulement 10% en Italie. Cette sécheresse qui nous touche, touche aussi d’autres pays européens.

La demande en eau est-elle de plus en plus forte ?

Elle est importante mais n’est pas forcément de plus en plus forte. Cette demande est surtout inégale. Il y a encore 40% des consommations d’eau en France qui sont fléchées par le monde agricole. Il y a 6% des consommations d’eau qui sont captées par l’industrie. L’eau est aussi essentielle pour l’énergie. Il faut de l’eau pour refroidir nos centrales nucléaires. Le nexus eau-énergie-alimentation devient de plus en plus stratégique sur l’Europe occidentale et en particulier sur l’Hexagone.

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