En Afrique,un sous-investissement chronique dans l’énergie propre met à risque les populations

Avec moins d’une décennie pour atteindre les objectifs énergétiques mondiaux, la nouvelle étude publiée aujourd’hui par Sustainable Energy for All (SEforALL) montre que le financement de l’accès à l’énergie reste en deçà des niveaux nécessaires pour atteindre les objectifs d’ici 2030.

L’étude de cette année intitulée « Energizing Finance research series » – réalisée en partenariat avec Climate Policy Initiative et South Pole – révèle, une fois de plus, que les niveaux de financement pour assurer l’accès universel à l’énergie et aux solutions de cuisson propre restent bien en deçà des investissements nécessaires pour atteindre l’objectif de développement durable 7 (ODD7) – Garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes, à un coût abordable. Utilisant les dernières données disponibles depuis 2018 dans les pays que suit ce rapport, l’étude montre que le déficit a maintenant atteint des niveaux records dans bon nombre des 20 pays à fort impact en Afrique et en Asie, avec des plus grands écarts d’accès à l’énergie.
L’étude Energizing Finance note également que la réalisation de l’ODD 7 sera impossible sans accélérer le décaissement des engagements de financement de l’énergie. D’important montants financiers prévus et autre soutien financier tardent à se réaliser ou se heurtent à de multiples obstacles, limitant l’impact sur le terrain et privant les populations vulnérables d’accès à l’énergie.
Un investissement annuel estimé à 41 milliards de dollars est nécessaire pour réaliser l’électrification universelle aux particuliers, or seul un tiers de ce montant – à peine 16 milliards de dollars ont été engages – a été suivi par Energizing Finance. En outre, malgré le besoin clair et l’opportunité d’une énergie renouvelable décentralisée pour atteindre la majorité de ceux qui n’ont pas accès à l’énergie, les engagements financiers pour les mini-réseaux basés sur les énergies renouvelables et les systèmes d’énergie hors réseau restent bien en deçà des niveaux nécessaires, attirant moins de 1-1,5%. du financement total de l’électricité suivi.
Il y a également une absence flagrante de volume, d’innovation et de diversité dans le financement des modes de cuissons propres. Le financement des modes de cuissons propres afin de remplacer les sources d’énergie nocives a triplé, passant de 48 millions de DOLLARS en 2017 à 131 millions de DOLLARS en 2018. Cependant, si cette croissance constitue un pas en avant important, elle ne représente qu’une fraction des 4,5 milliards de DOLLARS annuels estimés nécessaires pour assurer l’accès universel à l’électricité et aux modes de cuisson propre d’ici 2030.
Alors que le monde appelle à une action urgente et ambitieuse pour faire face à l’augmentation de l’urgence climatique, Energizing Finance a également constaté une augmentation significative des engagements de financement des combustibles fossiles en 2018, représentant la plus grande partie des flux de financement de l’électricité pour la première fois en au moins six ans. Cela risque d’enfermer les pays dans des décennies d’émissions de carbone élevées, de dépendance aux importations et d’actifs dépréciés ou bloqués, posant des risques fiscaux, économiques et environnementaux pour les pays en développement.
En revanche, les données montrent que le financement des énergies renouvelables connectées au réseau au cours de la même période a diminué pour la première fois depuis 2013. La pandémie COVID-19 souligne l’importance des investissements dans les énergies renouvelables, et une occasion unique en vue d’assurer « une relance durable ».
Sur la base de ces données, du grave manque de progrès et des retards récurrents de décaissement, SEforALL estime que la réalisation de l’ODD7 dans le monde sera retardée de plusieurs décennies.
Damilola Ogunbiyi, Présidente-Directrice générale et Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies pour l’énergie durable pour tous et Coprésidente d’ONU-Énergie a déclaré « Alors que nous faisons face aux défis actuels de la COVID-19 et aux impacts toujours croissants du changement climatique, le besoin d’un accès à l’énergie moderne et durable n’a jamais été aussi important. Pourtant, Energizing Finance montre un manque chronique d’investissement dans l’accès à électricité et aux modes de cuisson propre pour ceux qui en ont le plus besoin. Le peu de financement engagé n’est pas décaissé assez rapidement, bloquant les projets d’accès à l’énergie qui amélioreront la vie des gens et feront croître les économies ».

« Plus inquiétant encore, en vue de la conférence COP26, jugée cruciale, les engagements en matière de combustibles fossiles se sont accrus, risquant de profonds impacts climatiques. Les pays doivent saisir ce moment et adopter une stratégie ambitieuse de relance face à la COVID-19, mettant de côté les systèmes énergétiques du passé et investir dans les systèmes d’énergies renouvelables du futur pour accélérer l’accès à l’énergie et soutenir la croissance économique. Nous avons besoin d’une énergie durable pour tous, et nous en avons besoin maintenant. »
Les recommandations mentionnées dans l’étude Energizing Finance se concentrent sur l’appel à une action urgente et coordonnée des institutions de financement du développement et des bailleurs de fonds pour augmenter la part des engagements de financement de l’accès à l’énergie dans les pays confrontés à un sous-investissement chronique, une augmentation rapide des financements ciblés et du soutien politique des gouvernements pour accélérer l’accès aux modes de cuissons propres et mettre fin au financement des projets de combustibles fossiles comme moyen de combler le déficit d’accès à l’énergie et enfin de s’aligner sur les objectifs climatiques de l’Accord de Paris.
L’accès à l’énergie reste un élément central pour parvenir à une transition énergétique conforme aux objectifs climatiques. Dr. Barbara Buchner, Directrice générale mondiale de Climate Policy Initiative (CPI), qui s’est associée à SEforALL pour le rapport Energizing Finance : Understanding the Landscape 2020, a déclaré : « Année après année, les chiffres montrent que nous n’atteindrons les objectifs de l’ODD 7 à moins que nous n’augmentions considérablement les financements pour l’accès à l’électricité et aux modes de cuissons propres. Nous sommes au milieu d’une urgence climatique, et il est maintenant plus important que jamais que les investissements financiers s’alignent sur les Accords de Paris et soient associés aux technologies propres, y compris les mini-réseaux et les solutions hors réseau, pour élargir l’accès à l’énergie à ceux qui en ont le plus besoin ».
Un important point suivi par South Pole dans Energizing Finance : Missing the Mark 2020, est que le financement ne peut avoir un impact sur le terrain que s’il est décaissé et de manière rapide. Renat Heuberger, PDG de South Pole a déclaré « Il est déjà assez difficile de mobiliser des financements à l’échelle nécessaire pour fournir un accès à l’énergie pour tous d’ici 2030. Mais la véritable tragédie que nous voyons se dérouler dans ces pays pauvres est que seule une fraction des fonds engagés est effectivement décaissée. Pourquoi donc ? D’une part, les instruments financiers disponibles ne correspondent pas aux profils à risque des contrats d’énergie renouvelable que nous constatons dans ces pays. D’autre part, la faiblesse des institutions, les tarifs de rachat défavorables et le manque de capacité locale entravent la bancabilité de ces accords ».

« Il est donc essentiel que les gouvernements, les bailleurs de fonds et les responsables de projets portent un regard critique sur les raisons de cette inadéquation et apportent des changements immédiats à la propension à investir afin que le financement soit fourni pour garantir l’accès à une énergie sûre, fiable et durable pour tous. ”

Désormais dans sa quatrième année de publication, l’étude Energizing Finance research series – qui présente cette année deux rapports, Energizing Finance : Understanding the Landscape et Energizing Finance : Missing the Mark – suit les engagements financiers depuis 2018 et les décaissements sur la période de 2013 à 2018 dans 20 pays d’Afrique subsaharienne et d’Asie. Plus d’information sur l’ensemble des données sont disponibles dans le rapport complet ici (en anglais).

Source : Les Scoops d’Afrique

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